Ressources numériques en sciences humaines et sociales OpenEdition Nos plateformes OpenEdition Books OpenEdition Journals Hypothèses Calenda Bibliothèques OpenEdition Freemium Suivez-nous

Quand le coffret d’un chirurgien de la Marine remonte la Seine jusqu’à Paris…

Le samedi 21 septembre 2024, dans le cadre de la 41ème édition des Journées Européennes du Patrimoine, la bibliothèque Jeanne-Chauvin, la bibliothèque des Grands Moulins ainsi que le Musée d’Histoire de la Médecine vous invitent à découvrir ou à redécouvrir leur histoire, leur architecture ou encore leurs collections à travers des parcours de visites spécifiquement conçus pour l’occasion (voir ici).
Nous vous proposons d’en savoir plus sur un objet fascinant du Musée…

« Patrimoine des itinéraires » et « Patrimoine maritime » sont les deux thématiques des Journées du Patrimoine 2024 et « Océan de savoirs » celui la Fête de la Science. À cette occasion, le Musée d’Histoire de la Médecine a pêché dans ses collections une pièce témoignant des techniques de médecine et de chirurgie employées autrefois à bord des navires…

Médecins ou chirurgiens ?

Tout comme les apothicaires et les chirurgiens, les médecins sont évoqués dans les premiers textes fondateurs de la Marine nationale. L’Ordonnance du 15 avril 1689 , qui marque le fondement de la Marine par Louis XIV, fait déjà la distinction entre ces trois professions au sein des hôpitaux des ports (On peut citer, à titre d’exemple, l’ancien hôpital de Rochefort-sur-Mer, reconverti ensuite en « école de médecine navale » au début du XIXe siècle.). Ces premiers spécialistes restent d’abord « à terre », comme l’indique le premier édit du 17 janvier 1708 « portant création d’offices de médecins et de chirurgiens des armées du Roy » et agissent avant tout dans les hôpitaux de l’armée, où ils procèdent aux examens « en amont », avant l’embarquement des marins, et « en aval », ainsi qu’au soin des blessés. Trois professions sont alors bien distinctes :

  • Le médecin examine et prescrit ;
  • Le chirurgien intervient ;
  • L’apothicaire prépare les remèdes.

La seconde moitié du XVIIIe siècle marque la création du corps des « chirurgiens navigants », chargés de soigner les marins directement à bord des navires. Placés sous l’autorité des « médecins-major » des sites terrestres, ces agents étaient formés dans des écoles spécifiques comme celles de Rochefort, Toulon ou Brest. À ces chirurgiens formés par l’armée viennent rapidement s’ajouter des chirurgiens dits « de levée » : il s’agit de civils embauchés mais non formés par l’Armée française, dont la formation antérieure était plus souvent « manuelle » (on y trouve notamment d’anciens barbiers) qu’ « intellectuelle1 ».

Les fonctions liées à la médecine miliaire se professionnalisent progressivement entre le Premier Empire et la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec la création du Service de Santé des Armées (SSA) en 19482.

Un « coffret de secours » de la Marine en 1852…

Le Musée d’Histoire de la Médecine abrite dans ses collections plusieurs coffrets de soins ayant appartenu à des chirurgiens, des pharmaciens ou encore dédiées à un type d’intervention bien précis (trépanation, accouchement…).

Un autre type de coffret de la même époque : un « Coffret à pharmacie portatif » (photographie Musée d’Histoire de la Médecine ©)

Notre coffret ayant appartenu à un chirurgien de la Marine date de 1852. Il s’agit d’une mallette contenant deux plateaux :

  • Le premier, amovible, contenant quarante-sept instruments ;
  • Le second, fixe, contenant vingt-quatre instruments ainsi que quatre petites boîtes regroupant des aiguilles, seringues, scalpels, pinces… servant aux opérations.

Les deux plateaux : le premier amovible, et le second fixe (photographies Musée d’Histoire de la Médecine ©)

Une « fiche descriptive des instruments contenus dans le coffret » détaille les différents instruments en les regroupant par discipline. Le « secouriste » de l’époque était ainsi chargé, entre autres :

La fiche descriptive des instruments (photographie Musée d’Histoire de la Médecine ©)

  • Des « Opérations générales», c’est-à-dire d’interventions « superficielles », parfois douloureuses mais sans grande gravité ; les objets liés à ces opérations sont principalement de simples petits outils comme les ciseaux, aiguilles, cautères3, serre-fines4

Boîte contenant des outils d’« opérations générales » : ciseaux, cautères… (photographie Musée d’Histoire de la Médecine ©)

Boîte contenant l’une des « nouveautés » de l’époque, la seringue, expérimentée durant les premières campagnes de vaccination du XIXe siècle5 (photographie Musée d’Histoire de la Médecine ©)

  • Des « Amputations, Résections » et autres interventions plus imposantes puisqu’il s’agit alors soit d’intervenir directement sur la partie malsaine d’un organe tout en essayant d’en maintenir les parties saines (cas de la résection), soit de neutraliser un membre (cas de l’amputation) ; on change alors d’échelle avec l’emploi de couteaux, de scies et d’objets destinés à maintenir une partie du corps immobile comme les bistouris6 ou les différents outils (davier, écarteur…) du professeur Farabeuf ;
  • Des « Trépanations » et autres interventions sur le crâne des soldats : aux outils déjà cités pour les précédentes opérations viennent ici s’ajouter quelques ustensiles spécifiques, notamment les couronnes, et de nettoyage (brosses) ;
  • Du « Cathétérisme », autrement dît d’interventions cardiaque sur les vaisseaux sanguins à l’aide des cathéters7;
  • Des « Ponctions, Aspirations » ou tout ce qui est en lien avec la respiration et les gaz dans les différentes parties du corps : on y retrouve ainsi l’un des tous premiers « aspirateurs » de l’histoire, qui fut expérimenté dès la seconde moitié du XIXe siècle pour nettoyer le corps des malades ;

Aspirateur de Potain contenu dans la mallette (photographie Musée d’Histoire de la Médecine ©)

  • Des « Œsophage, Trachéotomie, Oreilles » : on trouve ici des outils d’écartement et d’intervention comme le « Speculum de Belloc », la « canule » ou le « Crochet de graphe avec éponge »…
  • Du soin des « Dents » : le coffret regroupe également plusieurs outils spécifique comme la « clé de Garengeot » utilisée pour l’extraction des molaires ou encore le davier8 et le déchaussoir, servant à l’extraction des molaires9.
  • Des « Yeux » des marins : on retrouve là encore de petits outils d’ophtalmologie spécifiques (aiguilles, ciseaux, couteaux…) ainsi que quelques nouveautés du XIXe siècle comme l’« ophtalmoscope de Follin » qui servait à éclairer l’œil.

 

Les coffrets utilisés par les chirurgiens puis par les autres « acteurs médicaux » présents dans l’armée du XIXe siècle à nos jours témoignent ainsi de leur polyvalence tout en marquant toujours une distinction entre l’intervention chirurgicale et la préparation de médicaments.

« Trousse réglementaire des chirurgiens de la Marine » en 1900. Extrait du Catalogue illustré de la Maison G. Creuzan,  Bordeaux.

Banque d’images, BIU Santé Médecine.

« Coffre à médicament » de la « PHARMACIE MARINE DUHAMELET », Archives de médecine navale, 1900, n° 73

Banque d’images, BIU Santé Médecine.

Pour aller plus loin

Sur la profession :

On peut consulter le site internet du Musée National de la Marine, et ceux des musées de Rochefort-sur-Mer et de Toulon.

Ils sont également présentés sur le site de la Marine nationale :

On peut consulter le site des Archives du Ministère des Armées.

Sur les instruments :

On peut consulter le site Internet du Conservatoire du Patrimoine hospitalier de Rennes, qui présente plusieurs des différents outils également conservés dans ce coffret (photographie, définition, fonction…).

L’image mise-en-avant représente le coffret de chirurgie de la Marine (photographie Musée d’Histoire de la Médecine ©).

  1. D’après « le chirurgien navigant au 18e siècle », Site Archives du Ministère des Armées. []
  2. Ce service de Santé des Armées est lui-même issu des différents services (maritime, aérien, terrestre…) des troupes coloniales, voir « Médecin de Marine – 400 ans d’histoire », Site des Archives du Ministère des Armées… []
  3. Le cautère était un petit instrument d’acier dont on faisait chauffer la tête. Lorsqu’elle était rouge, on l’appliquait sur les parties malades pour les brûler, les « cautériser ». []
  4. Le serre-fine était un Instrument de petite taille conçu pour saisir et maintenir en contact les lèvres d’une plaie sans pénétrer la peau. []
  5. Voir la notice “seringue de Pravaz” du site du CPHR. []
  6. Le bistouri est une « aiguille courbée au bout, attachée à un manche, et destinée à tenir les artères qui doivent être liées» (d’après le Littré). []
  7. Les cathéters sont des tubes flexibles introduits dans les veines du patient pour lui administrer un traitement ou faire une prise de sang. []
  8. Encore utilisé aujourd’hui, le davier est une petite pince servant à extraire la dent de son alvéole.. []
  9. Pour en savoir plus sur les outils dentaires, voir ici. []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Séverine Tillequin (20 septembre 2024). Quand le coffret d’un chirurgien de la Marine remonte la Seine jusqu’à Paris…. Panacée. Consulté le 15 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12byx


Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.