Le portrait des statues, le statut des portraits : 3 – Invocation à Esculape
Au Musée d’Histoire de la Médecine, il n’y a pas que les bustes et les tableaux qui s’expriment : Fils du dieu Apollon, Esculape aurait été, selon la mythologie grecque, le premier médecin des Hommes. Ses disciples faisaient appel à lui lors de la cérémonie d’incubation1 pour guérir les malades et les blessés. Le Musée d’Histoire de la Médecine possède dans ses vitrines une représentation de cette cérémonie, dont on entend parfois les murmures, notamment au moment des Jeux Olympiques…
“Invocation à Esculape, dieu de la médecine dans la mythologie gréco-romaine”, don du Docteur Achard, Musée d’Histoire de la Médecine. (Photo Andréa Barbe-Hulmann, ©).
LES FEMMES PORTANT LE MALADE : Gloire à toi, Esculape, Asclépios des Grecs
Reçois en notre temple ce lourd disciple athlète,
Tu fus, selon nos mythes, premier médecin de l’Univers
Déjà bien évoqué dans les œuvres d’Homère !
Même si notre sanctuaire sur les bords de la Seine,
N’est pas digne d’Épidaure, de Corinthe ou d’Athènes,
Accueille-le pour une nuit en ton bel abaton2,
Où tu l’ausculteras avec ton beau bâton !
Portrait d’Esculape équipé de son bâton de guérison, en compagnie de son animal d’attribution, le serpent. Représentations issues de Medica, bibliothèque numérique de la BIU Santé médecine, avec l’interrogation Esculape
Qu’il s’allonge une nuit sur une peau d’animal,
Et élimine ainsi de sa blessure le mal !
Offre-lui un beau rêve de force et guérison,
Où tu apparaîtras en beau fils d’Apollon
[Apollon et Hermès au chevet des malades], frontispice des Opera omnia de Christian Lange, Francfort, 1698. BIU Santé Médecine (Medica).
Plutôt qu’en mince caniche ou en infâme python3 !
Afin qu’il redevienne pour nos jeux un champion !
Toi que ton grand-père Zeus foudroya par sa flamme,
Pour avoir ressuscité des corps et des âmes,
Daigne-apparaître à notre héros en ce lieu,
Car il est comme toi une victime du feu…
Avec la grande Hygie, ton enfant associée,
Déesse de l’hygiène et de la propreté,
Apportez-lui une eau l’éloignant de toute flamme,
Et rappelez au peuple l’égalité homme/femme !
[Hygie et Hippocrate], gravure, sd. BIU Santé Médecine (Medica)
Si le rêve de cet homme devenait un cauchemar
Ou s’il ne rêvait rien et faisait une nuit noire,
Daigne accorder à notre fidèle iastromante4
Une recette de remède qui soit satisfaisante,
Afin qu’il soit soigné par des plantes et de l’eau,
Et non par ton dernier attribut, le couteau !
Esculape était également le dieu des instruments de chirurgie et couteaux. Son nom fut ainsi repris par une entreprise dans les années 1930, spécialisée notamment dans la fabrication des outils d’odontologie. Instruments Esculape pour l’art dentaire, é Jetter & Scheerer, 1936 (circa). Exemplaire du Musée de l’AP-HP (Medica).
Toi, dont le nom résonne aujourd’hui comme hier,
Des classes de grec ancien à la Salpêtrière
Grand dieu cité par Hippocrate dans son serment,
Médaillon d’Hippocrate et son traducteur, Musée d’Histoire de la Médecine (Photo Andréa Barbe-Hulmann, ©).
Toi, modèle absolu de tous nos étudiants,
Daigne lui redonner une forme athlétique
Qu’il te consacrera lors des jeux olympiques !
ESCULAPE (interrompant les deux femmes) : Je veux bien guérir cet athlète mais avant, pourriez-vous m’indiquer comment il s’est blessé ?
L’ATHLÈTE : J’ai glissé en courant durant la cérémonie et je me suis brûlé à la flamme olympique…
“Offrande à Esculape“, gravure (dessinateur : Lavigne, Marin ; graveur : Dien), sd. BIU Santé Médecine (Medica). Le tableau original, “L’Offrande à Esculape” de Pierre-Narcisse Guérin se trouve au Musée des Beaux-Arts d’Arras.
Pour aller plus loin
- On pourra lire une présentation d’Asclépios / Esculape sur Wikipédia
- Sur POP, la plateforme ouverte du patrimoine, on pourra trouver différentes représentations d’Esculape et du rituel d’incubation : voir ici
- Différentes versions du Serment d’Hippocrate sont consultables sur Medica
- Un dossier réalisé par Cécile Nissen, « Entre Asclépios et Hippocrate », est disponible sur OpenEdition Actu
- Des images des catalogues des « Instruments Esculape » sont disponibles dans la Banque d’images de la BIU Santé :
- On pourra écouter entre autres en replay le podcast « Hippocrate, l’homme derrière le serment » avec Véronique Boudon-Millot et Vivien Longhi, France Culture, 2021.
L’image mise-en-avant représente une invocation à Esculape, dieu de la médecine dans la mythologie gréco-romaine, don du Docteur Achard, Musée d’Histoire de la Médecine (Photo Andréa Barbe-Hulmann)
- Pour en savoir plus sur ce rite, voir Pierre Sineux, Pierre, « Dormir au sanctuaire : espace et sacralité dans le rituel de l’incubation dans le monde grec antique (le cas des sanctuaires asklépieiens) », Espaces sacrés dans la Méditerranée antique, édité par Yves Lafond et Vincent Michel, Presses universitaires de Rennes, 2016. [↩]
- Voir la définition de l’abaton ici sur Wikipédia. [↩]
- Lors du rituel, le malade devait passer une nuit au temple. Esculape devait alors lui apparaître au cours d’un rêve, soit sous forme humaine, soit sous la forme d’un de ses animaux d’attribution, comme le chien ou le serpent… [↩]
- Les iastromantes sont les « médecins-devins » de la Grèce antique, chargés entre autres du rite d’incubation, notamment dans les temples d’Esculape et d’Amphiaraos [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Séverine Tillequin (25 juillet 2024). Le portrait des statues, le statut des portraits : 3 – Invocation à Esculape. Panacée. Consulté le 5 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12373