Hommage à Micheline Ruel-Kellermann (1929-2024)
C’est avec émotion et tristesse que nous avons appris le décès de Micheline Ruel-Kellermann (1929-2024), survenu le 4 mars dernier. Elle était docteure en chirurgie dentaire et en psychopathologie clinique et psychanalyse, membre titulaire puis honoraire de l’Académie nationale de chirurgie dentaire, secrétaire générale de la Société française d’histoire de l’art dentaire (SFHAD), historienne de l’art dentaire.
Micheline Ruel-Kellermann. Coll. privée. ©
Micheline Ruel-Kellermann était l’amie de la BIU Santé Médecine et en particulier du département d’histoire de la santé. Docteure en chirurgie dentaire, passionnée par l’histoire de sa discipline, elle a été une très fidèle lectrice et une chercheuse insatiable. Son nom restera attaché à plus de vingt années d’une collaboration fructueuse, multiforme et joyeuse, marquée par de nombreux projets, qu’elle menait souvent de front. Elle avait beau être la doyenne de nos lecteurs, quand elle avait une idée en tête, rien ne l’arrêtait.
Combien de milliers de documents a-t-elle parcourus à la bibliothèque afin de nourrir ses nombreuses publications, dans l’Information dentaire notamment, ou ses interventions dans des colloques ? Elle s’excusait parfois de la masse considérable de documents qu’elle nous demandait de sortir et nous récompensait en partageant avec nous les découvertes qu’elle y puisait, à force de persévérance et d’enthousiasme. Elle nous apportait volontiers son expertise, consacrant des heures à nous aider à remettre en ordre les pages du manuscrit de Fauchard ou à classer et documenter les papiers de Georges Dagen, pionnier dans l’histoire de l’art dentaire, qu’elle admirait.
Elle a été une contributrice inépuisable. Beaucoup de ses travaux ont été publiés sur le site de la bibliothèque, ou sur celui de la SFHAD que la bibliothèque héberge.
Citons d’abord sa contribution à la bibliothèque numérique Medica à travers la sélection et la mise en perspective d’un vaste corpus de littérature odontologique française du XVIe au XVIIIe siècle.
Elle publia également sur le site de la BIU Santé une édition critique du Libellus de dentibus ou « Petit livre sur les dents » de Bartolomeo Eustache, dont elle donna la première traduction, en collaboration avec Marie-Rolande Leyrat-Cornuejols. Ce texte fondamental de l’odontologie, paru en 1563, est le premier ouvrage d’anatomie entièrement consacré à l’étude de la dentition humaine sous tous ses aspects (embryologie, anatomie, pathologie).
Portrait de Bartolomeo Eustache, extrait de Brambilla, Storia delle Scoperte Fisico Medico-Anatomico-Chirurgiche…, 1780-1782 (Cote BIU Santé 6758)
La bibliothèque lui doit aussi d’avoir contribué de manière décisive à deux de ses expositions virtuelles, avec la collaboration de Pierre Baron. La première est consacrée à Pierre Fauchard, « le père de la chirurgie dentaire ». La seconde, entreprise de longue haleine qui donna lieu à plusieurs enrichissements entre 2013 et 2022, est née de la volonté de constituer un Musée virtuel de l’art dentaire afin d’offrir une vitrine virtuelle aux collections du musée Fauchard (ancien musée de l’École dentaire de Paris), après la fermeture du musée de l’APHP qui l’abritait en 2012. S’y ajoutèrent des choix de photographies d’instruments et d’objets d’autres collections privées et publiques, accompagnées de textes anciens et d’explications techniques.
“Pélican, instrument pour l’extraction des dents”. Extrait du Musée virtuel de l’art dentaire.
Elle fut enfin une généreuse donatrice et mécène. Elle n’hésitait pas à mobiliser confrères et sociétés savantes pour les convaincre de participer à l’acquisition de documents exceptionnels pour les collections de la bibliothèque, tel en 2012 un important ensemble ayant appartenu au Dr Albéric Pont comprenant, entre autres, deux albums de photographies des « Gueules cassées » que le stomatologue avait prises en charge à Lyon, entre 1914 et 1918.
Elle nous avait très récemment fait don des archives de l’IPOS (l’Institut de psychologie odonto-stomatologique), devenu Société française d’odontologie psychosomatique, dont elle fut co-fondatrice et présidente. Pionnière dans l’enseignement et la pratique de la psychologie appliquée à l’odontologie, à la Clinique dentaire Garancière, elle introduisit une vision essentielle du patient appréhendé dans sa globalité physique et psychique, avec ses comorbidités, ses angoisses et ses fantasmes.
Son entrain joyeux, sa compétence rare en histoire dentaire, ses visites amicales début janvier à l’occasion de la nouvelle année nous manqueront énormément. Nous aimions ces rendez-vous avec Micheline Ruel-Kellermann.
L’équipe du département d’histoire de la santé
=> vous pouvez également lire en ligne : Pierre Baron, « Micheline Ruel-Kellermann (1929-2024) », L’Information Dentaire n°11 – 20 mars 2024
L’image mise-en-avant est un cliché de Micheline Ruel-Kellermann. Coll. privée. ©
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Stéphanie Charreaux (19 avril 2024). Hommage à Micheline Ruel-Kellermann (1929-2024). Panacée. Consulté le 16 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/w8vr